Chroniques au cœur du vignoble de Gaillac #3 : L'Enclos des Braves
C'est parti pour le 3ème billet sur Gaillac et le 2ème portrait de vigneron!
Ce coup-ci je vous emmène à Vertus, tout près de Rabastens (et donc au sud-ouest de Gaillac), pour découvrir le vigneron qui se cache derrière les vins d'un domaine joliment nommé L'Enclos des Braves. Ce vigneron c'est Nicolas Lebrun.
Ce dernier m'a reçue mi février pour une visite de son domaine. Le temps étant à la pluie ce matin-là, nous n'avons pas pu nous balader dans les vignes. Heureusement, le chai était là pour nous accueillir, même s'il fallait cependant être chaudement vêtu pour s'y aventurer car la température y avoisinait les 8°C.
Nicolas Lebrun est d'origine gersoise. C'est sa passion pour le vin et la vigne qui l'a poussé à faire des études d'oenologie à Bordeaux. Puis c'est en suivant sa femme Chantal qu'il s'est retrouvé dans la région toulousaine, et plus précisément à Gaillac, où il a exercé pendant plusieurs années ses talents d'oenologue et de vinificateur auprès de 5 domaines de l'appellation. En 2005, mû par l'envie de faire des vins qui lui ressemblent, il réalisa son rêve de devenir vigneron en achetant avec sa femme 6 ha de vignes et en construisant un chai.
Qu'est-ce qui lui a plu à Vertus?
Ces parcelles situées sur un coteau, il les a choisies pour leur environnement préservé et surtout pour leur très bonne exposition plein sud.
Côté sols, on est sur les coteaux de la rive droite du Tarn, et donc sur un terroir caractérisé par des sols argilo-calcaires comme je l'évoquais dans mon précédent billet sur le vignoble gaillacois. Sur les parcelles de l'Enclos des Braves, on a affaire à des sols riches en argiles, argiles pouvant aller jusqu'à 3 m de profondeur.
L'association de cette exposition et de ces sols permet une maturation lente des raisins, gage, pour Nicolas Lebrun, de "richesse, finesse et équilibre pour les vins".
Priorité aux cépages locaux
5 cépages se côtoient sur le domaine, avec une belle part accordée aux cépages autochtones. Sur la partie haute du coteau, on retrouve ainsi du Duras, du Braucol (ou Fer Servadou) et du Gamay (cépages plantés en 1978 et 1992). Et sur la partie basse, du Loin de L'Oeil et du Sauvignon (plantés en 1992). Cépages qui vont bientôt être rejoints par le Prunelart et le Mauzac que Nicolas s'apprête à planter avec du Braucol sur les 2 ha supplémentaires qu'il a rachetés.
Pour revenir au Duras, il reste, aux yeux de Nicolas, un cépage assez peu utilisé car il est très typé mais aussi compliqué à travailler (demande du travail à la vigne, donne de petits rendements, oblige à vraiment ramasser les raisins à maturité). Et pourtant selon lui il donne des grands vins de garde car il conserve beaucoup d'acidité.
Un oenologue convaincu par le bio
Dans l'imaginaire de certains, les oenologues sont forcément des techniciens adeptes des produits chimiques. Or là (comme c'était le cas avec Patrice Lescarret du domaine de Causse Marines), on a affaire à un œnologue qui a fait le choix de travailler en bio pour suivre ses convictions personnelles. Le déclic, il l'a eu en 2007 et le vignoble est conduit en agriculture biologique depuis 2009 et en biodynamie depuis 2012. Un choix qui amène Nicolas Lebrun à passer beaucoup de temps dans ses vignes.
Il me disait d'ailleurs qu'il était convaincu que les rapports du vigneron avec ces vignes avaient une incidence sur la qualité du vin. Un discours qu'on retrouvait aussi chez Causse Marines et chez les vignerons en biodynamie présentés dans la Clef des Terroirs.
La vinification quant à elle est, selon ses propres termes, "non interventionniste mais maîtrisée". Le raisin est vinifié et le vin élevé sans produits œnologiques.
Il n'utilise plus de levures, et les remplace par un levain qu'il réalise avec les premières pressées.
Plusieurs de ses cuvées sont élevées sur lies, en cuve. Les lies apportent du gras et protègent de l'oxydation, ce qui permet de limiter l'usage du soufre.
Et la dégustation dans tout ça?
L'Enclos des Braves produit 3 gammes: Les Gourmands, L'Enclos, Bravissimo.
Les Gourmands sont des vins d'entrée de gamme, frais et fruités.
Les cuvées L'Enclos sont des vins plus ambitieux, qui reflètent la profondeur du terroir et mêlent puissance et finesse.
La cuvée Bravissimo est la cuvée haut de gamme du domaine, celle où le travail est poussé le plus loin. Une cuvée 100% Braucol qui est affectivement la cuvée préférée de Nicolas Lebrun.
J'ai eu l'occasion sur place de goûter toutes les cuvées (certaines n'étant cependant pas encore mises en bouteille).
Les Gourmands - blanc sec - 2012: assemblage 50% Sauvignon, 50% Loin de l'Oeil (les 2 jus fermentent ensemble). Assez frais, un peu épicé, relativement complexe.
L'Enclos - blanc sec - 2011: raisins récoltés à surmaturité, assemblage 75% Sauvignon, 25% Loin de l'Oeil. Robe pâle (couleur absorbée par les lies). Plus gras, minéral, floral. Pas mal du tout.
Les Gourmands - rosé (je n'ai pas retenu le millésime): rosé de saignée, assemblage 60% Duras, 30% Braucol, 10% Gamay. Frais, mais je ne suis pas une grande fan de rosé...
Les Gourmand - rouge - 2010: assemblage 70% Duras, 30% Braucol. Bonne acidité grâce au Duras, notes de fruits rouges, de poivre et d'épices. Très agréable.
L'Enclos - rouge - 2010: assemblage 80% Braucol, 20% Prunelart. Elevage en cuve et en barrique. Un peu fermé au moment de la dégustation. Fruits noirs et épices, assez riche. À carafer.
Bravissimo - rouge - 2009: 100% Braucol. Élevé et vinifié en barrique. Fruits noirs, cassis, notes de chocolat, de grillé. Puissant mais élégant, avec des tanins maîtrisés. Sera à mon avis encore meilleur dans quelques années.
Les Gourmands - blanc doux - 2011: 50% Sauvignon, 50% Loin de l'Oeil. Sauvignon passerillé, Loin de l'Oeil botrytisé. Robe assez claire. Joli nez (poire, fleurs) et belle fraîcheur.
L'Enclos - blanc doux - 2010: 100% Loin de l'Oeil. Fermente 1 an en barrique. Nez riche et complexe de fruits confits, mais bouche un peu trop sucrée à mon goût.
En revanche, j'ai été séduite par la cuvée 2012, goûtée sur barrique, qui présente de belles notes exotiques (mangue notamment) et beaucoup de fraîcheur contrebalançant le sucre.
Ce qui confirme ce que me disait Nicolas Lebrun, à savoir que le millésime 2012 s'annonçe au top pour les doux et les liquoreux.
Pour finir ce billet, je citerais une phrase de Nicolas Lebrun sur sa brochure de présentation car elle résume ce qu'il recherche dans ses vins :
"Cette démarche, basée sur l'observation et l'accompagnement de nos parcelles, permet d'obtenir un vin sain, non pollué, expression fidèle de notre terroir, de notre vigne, du millésime et de ma personnalité de vigneron".
L'Enclos des Braves
Chantal & Nicolas Lebrun
RD 18 - Vertus
81800 Rabastens
contact@lenclosdesbraves.com
Tél : +33 (0)5 63 40 33 49
Je vous invite aussi à aller sur leur site internet http://www.lenclosdesbraves.com pour suivre l'actualité du domaine.
Chroniques au cœur du vignoble de Gaillac #2 : Causse Marines
Suite à mon dernier billet dans lequel je vous présentais le vignoble de Gaillac (billet que vous pouvez relire en cliquant ICI), je vous propose de continuer avec une série de portraits de vignerons gaillacois.
Et pour entamer cette série, je vous emmène à la rencontre de Virginie Maignien du Domaine de Causse Marines, situé sur les hauteurs du village de Vieux, sur le plateau cordais.
Causse Marines, c'est un domaine conduit en biodynamie par un duo de choc, Patrice Lescarret et Virginie Maignien. Patrice étant absent ce jour-là, c'est Virginie, accompagnée de son chien Darius (dont ma doudoune se souvient encore de l'enthousiasme ;-)) qui m'a accueillie sur place en début d'après-midi.
Au programme : un échange très intéressant sur l'appellation et ses problématiques, puis une visite du domaine en compagnie d'un couple de vignerons italiens de passage dans la région.
Un domaine qui fut baptisé lors de son rachat par Patrice en 1993. "Causse" car l'ensemble du vignoble s'étend sur un causse calcaire et "Marines" eut égard au nom du ruisseau délimitant le bas de la propriété. Une propriété qui s'étend aujourd'hui sur 40 ha, dont 12 ha de vignes qui entourent la maison (une ancienne ferme que Virginie et Patrice ont restaurée).
Si on y regarde de plus près, rien ne prédisposait a priori Patrice et Virginie à atterrir à Gaillac puisque le premier est originaire de Bordeaux et la seconde du Jura.
Patrice, diplômé de l'Institut d'Oenologie de Bordeaux, fit ses classes à Sancerre et en Provence avant de se lancer en solo en 1993. Virginie quant à elle est d'abord passée sur les bancs d'une grande école de commerce et a travaillé dans d'autres domaines avant de choisir la voie du vin et d'entreprendre des études viti-vinicoles au CFPPA de Beaune. En 2005, elle est venue faire les vendanges à Causse Marines et n'est jamais repartie.
Alors pourquoi le choix de Gaillac?
Mise à l'honneur des cépages autochtones
Leur intérêt commun pour les vieux cépages autochtones est une des raisons principales.
Les vignes travaillées sur le domaine sont ainsi soit des vieilles vignes "greffées en place" (celles en bas de la maison datent de 1932 et celles près de la route ont 70 ans) soit de nouvelles plantations issues de sélection massale ; et on y trouve pas moins de 13 cépages : Muscadelle, Loin de l'Oeil, Ondenc, Mauzac, Chenin, Sémillon et Petit Manseng pour les blancs ; Braucol, Duras, Prunelard, Syrah, Jurançon et Alicante pour les rouges.
Bio, biodynamie et vins natures : une évidence
Le choix de cette propriété un peu à l'écart du village et le rachat par la suite des terrains et forêts l'entourant ont été motivés par leur volonté de se créer un petit îlot isolé leur permettant d'être tranquilles et de travailler comme ils le souhaitaient, c'est-à-dire en accord avec la nature. Comme je l'évoquais plus haut, le domaine de Causse Marines est conduit en biodynamie. Officiellement certifié bio depuis 2008 (même s'il l'était officieusement depuis 1997), il est également certifié Demeter depuis 2009.
C'est Virginie qui s'occupe des préparations nécessaires au travail en biodynamie.
Les sols sont travaillés un rang sur deux, les vignes bichonnées et taillées en guyot sur fil ou en gobelet selon les cépages. A partir de mi septembre pour les vins blancs secs et jusqu'à fin octobre ou fin novembre pour les vins doux, les raisins sont vendangés et triés manuellement (un gîte est loué pour l'occasion pour la ribambelle d'amis fidèles qui viennent leur prêter mains fortes). Un travail d'orfèvre qui se traduit par des rendements, d'environ 25 hectolitres par hectare.
Le soin apporté dans les vignes pour obtenir les meilleurs raisins, est suivi d'un travail de vinification à la cave qui se veut le plus naturel possible. Les raisins sont pressés en inertage sous gaz carbonique afin de limiter l'usage du soufre, et collage et filtration sont réduits au maximum.
Maintenant que vous savez tout ou presque sur le domaine et sur la façon dont les vins sont élaborés, passons à une étape essentielle, la dégustation !
Et côté dégustation, ça donne quoi?
Niveau production, Causse Marines produit environ 50% de vins blancs ou moelleux et 50% de vins rouges.
Le jour J, je n'ai pas eu l'occasion de tout goûter car plusieurs cuvées étaient en rupture de stock ou pas encore mises en bouteille.
Mais nous avons tout de même eu le plaisir de découvrir plusieurs vins, classés en vins de table : Dencon, Rasdu, Zacmau.
Bizarres ces noms me direz-vous, mais il s'agit en fait des noms à l'envers des cépages avec lesquels ils sont élaborés (une façon astucieuse de contourner la règle qui empêche de mentionner le nom des cépages sur les vins de table) : Dencon pour Ondenc, Rasdu pour Duras et Zacmau pour Mauzac.
Pour ma part, j'ai été séduite par le Zacmau qui parvient à allier finesse et peps, et possède une belle longueur. Mais j'ai aussi trouvé le Rasdu très intéressant, avec des tannins présents et une belle acidité, typique du Duras. Un vin que j'apprécierais cependant davantage à table à mon avis.
Pour finir, Virginie nous a réservé une petite surprise en sortant un truc un peu barré, une cuvée baptisée Hystérie. Hystérie en résumé c'est un moût partiellement fermenté, 10 ans d'élevage et seulement 1° d’alcool, le tout dans une bouteille allongée de 10 cl. Le résultat : un nectar ultra concentré, à la texture sirupeuse, mais qui conserve de l'acidité. Très original en bouche !
De retour à Toulouse, je suis allée faire un saut chez mon caviste et j'ai réussi à y dégoter quelques cuvées supplémentaires, en AOC ce coup-ci, que je me suis empressée de goûter.
Les Greilles 2011 (blanc) : un vin qui m'a moins convaincue que le Zacmau. Nez un peu fermé, bouche manquant d'acidité à mon goût. Mais j'aurais peut-être dû l'aérer un peu plus. À retester donc!
Les Peyrouzelles 2011 (rouge) : un vin sur le fruit, tout en légèreté, avec une pointe d'épices. Seul bémol : une finale qui m'a semblée un peu courte.
Grains de Folie 2008 (blanc moelleux) : une jolie robe dorée, de la finesse, de la complexité et surtout un bel équilibre entre la douceur et l'acidité qui évite l'écueil de certains vins moelleux que je trouve parfois trop sucrés.
Pour finir ce billet, je citerais la phrase de conclusion sur la brochure présentant le domaine que Virginie m'a remise en partant car elle traduit très bien pour moi l'état d'esprit des vins de Causse Marines :
"On peut faire bio "sans avoir le cheveu long et fumer la moquette" ; on peut faire des vins natures qui ne sentent pas le pet de vache".
Domaine de Causse Marines
Patrice Lescarret & Virginie Maignien
81140 Vieux
Tél : +33 (0)5 63 33 98 30
Je vous invite également à aller sur leur site internet www.causse-marines.com pour découvrir les autres cuvées disponibles et suivre l'actualité du domaine.
Chroniques au cœur du vignoble de Gaillac #1 : vue d'ensemble
Dans le tout premier billet de ce blog (que vous pouvez relire en cliquant ICI), j'évoquais avec vous mon souhait de vous parler de régions viticoles françaises un peu moins connues, en particulier le Sud-Ouest et la Corse.
Je vous propose de commencer mes chroniques à la découverte du Sud-Ouest en vous emmenant sur les terres gaillacoises.
Pourquoi Gaillac?
En premier lieu parce qu'avec Fronton, ce vignoble du Tarn est l'un des vignobles les plus proches de Toulouse. Et donc l'un des premiers vignobles du Sud-Ouest que j'ai eu l'occasion de découvrir à mon arrivée dans la Ville Rose.
Ensuite, et surtout, parce que pour moi ce vignoble, encore trop méconnu et souvent mal jugé, recèle de richesses et produit de très bons vins qui ne se résument pas au Gaillac Primeur dont on fait la promotion à Toulouse à partir du 3ème jeudi de novembre.
Pour vous le faire découvrir, je vous emmènerai, à travers une série de billets, à la rencontre de quelques vignerons dont j'ai aimé les vins autant que l'histoire et/ou le caractère. Mais avant d'évoquer avec vous ces rencontres, je voudrais commencer par vous donner quelques éléments de contexte sur cette appellation.
Géographiquement, le vignoble de Gaillac se situe donc au nord-est de Toulouse, sur le département du Tarn. Il s'étend sur les deux rives de la rivière éponyme, vers l'est jusqu'à Albi et vers le nord jusqu'à la cité médiévale de Cordes-sur-Ciel.
Les vallées parallèles de la Vère et du Tarn structurent le vignoble en 3 versants de nature géologique spécifique : les terrasses de la rive gauche (dont les sols sont constitués de galets, de graviers, de sable ou de boulbènes), les coteaux de la rive droite (aux terres argilo-calcaires et bénéficiant d'une exposition plein sud et d'une altitude plus élevée) et le plateau cordais (qui domine la vallée de la Vère et dont le terroir se caractérise par des sols blancs calcaires et caillouteux). Côté climat, le vignoble bénéficie à la fois de la douceur océanique et de la chaleur méditerranéenne.
S'il est le plus ancien des vignobles du Sud-Ouest, Gaillac figure aussi parmi les plus anciens vignobles français. En effet, la vigne sur ces terres remonterait à l'occupation des Romains au 1er siècle avant Jésus-Christ, voire même avant comme en témoigne la découverte d'amphores romaines datant du 2ème siècle avant J-C à Montans, une ville voisine de Gaillac.
La cité de Gaillac (du latin "Gallus" qui veut dire coq) fut officiellement bâtie en 972. Et ce sont les moines bénédictins de l'Abbaye Saint-Michel de Gaillac qui, au Moyen-Age, ont les premiers entrepris d'organiser le vignoble. Leur travail de sélection et leur recherche constante de la qualité permirent aux vins de Gaillac de jouir d'une excellente réputation en Europe pendant des siècles, notamment auprès de plusieurs monarques, à commencer par Henri III et Louis XIV qui en étaient friands.
Plusieurs siècles plus tard, et malgré les crises rencontrées (notamment celle du phylloxera), c'est la réputation et la qualité de ses vins blancs qui valut à Gaillac un classement en AOC en 1938. L'AOC sera obtenue en 1970 pour les rouges et les rosés.
Aujourd'hui l'appellation s'étend sur environ 3 300 ha et compte 3 caves coopératives et 118 producteurs indépendants.
Sa production annuelle atteint 140 000 hectolitres.
Si les blancs ont longtemps représenté la majorité de la production du vignoble, cela s'est inversé car aujourd'hui l'AOC produit 65% de rouges, 30% de blancs et 5% de rosés. Environ 15% de cette production part à l'exportation.
Comment caractériser cette appellation?
Emmanuel Delmas la décrivait encore hier sur son blog comme "Une appellation pas simple à appréhender en l'état". Vous pouvez retrouver son billet en cliquant ICI.
Une complexité liée à sa très grande diversité.
On appelle ainsi Gaillac le "Vignoble aux 7 vins" car il possède pas moins de 7 AOC : blanc sec, blanc doux, blanc fraîcheur perlée, blanc effervescent (selon la méthode ancestrale gaillacoise), rouge, primeur, rosé. Sans compter le vin de voile qui n'est pas en AOC et qui est élevé comme les vins de Xérès ou les vins jaunes du Jura.
Diversité aussi à travers le très grand nombre de cépages utilisés et notamment le nombre de cépages autochtones. Pour les blancs, on retrouve ainsi quelques cépages connus comme le Sauvignon blanc et la Muscadelle, mais les principaux cépages sont des cépages locaux à savoir le Mauzac, le Len de l'El (ou Loin de l'Oeil) et l'Ondenc. Pour les rouges et rosés le Duras et le Braucol (appelé également Fer Servadou) ou encore le Prunelard côtoient des cépages plus connus comme la Syrah et le Gamay et même le Cabernet Sauvignon.
À cet égard, un vigneron, Robert Plageoles, a fortement œuvré pour ressusciter les cépages oubliés de Gaillac, comme l'Ondenc et le Prunelard. Mais nous évoquerons Robert Plageoles et son fils Bernard dans un prochain billet.
Hormis les Plageoles, ils sont nombreux parmi les jeunes vignerons à vouloir mettre en avant les cépages locaux. Certains arrachent même la Syrah ou le Gamay pour replanter des cépages plus typiques.
Avec toutes ces AOC et tous ces cépages, pas facile de s'y retrouver mais c'est aussi cela qui fait la richesse de l'appellation. Surtout quand cette diversité est exploitée par des vignerons talentueux et passionnés comme ceux que j'ai rencontrés.
Des vignerons dont je vous parlerai dans les prochains billets.
Sources pour les chiffres sur l'appellation : Magazine Contact Pro hors-série Printemps 2012 Spécial Vins du Sud-Ouest + livret remis à l'Oenothèque du SISQA (du 13 au 16 décembre 2012).
Source photos : Dépliant Route des Vins de Gaillac
Quand l'amour et le vin se racontent en images (2)
Après un week-end qui a vu la célébration du film "Amour" de Michael Haneke d'abord aux Césars (5 récompenses dont le César du meilleur film) puis aux Oscars (sacré meilleur film étranger), je vous propose de continuer sur ce thème afin de clore le billet "amour et vin en images" débuté la semaine dernière. Car quand on évoque le lien qui unit un vigneron à ses vignes et à son vin, c'est bien souvent d'amour qu'il est question.
Dans la première partie de ce billet (que vous pouvez lire ICI), j'évoquais Les Ignorants d'Etienne Davodeau, une bande dessinée pour laquelle j'ai eu un vrai coup de cœur. Aujourd'hui, c'est d'un DVD dont je vais vous parler.
Il se trouve qu'il y a quelque temps j'ai commandé le DVD de La Clef des Terroirs de Guillaume Bodin car je n'avais pas vu ce film documentaire lors de sa sortie en salles en 2011. Le DVD reçu, je n'ai malheureusement pas eu le temps de le regarder tout de suite et ça n'a pas loupé, après l'avoir rangé, je l'ai comme qui dirait "oublié" dans son placard.
Or voilà que je retombe dessus en rangeant ma BD des Ignorants. Ni une ni deux, je m'empare du DVD et file le regarder, convaincue qu'il tombe à pic pour mieux comprendre le concept de biodynamie abordé rapidement dans Les Ignorants. D'autant plus qu'en relisant le descriptif au dos, je m'aperçois que Richard Leroy fait partie des vignerons interrogés !
Quelques heures plus tard (car le dvd contient le film de 82 min mais aussi plusieurs bonus), je suis à la fois ravie de mon achat et contente de l'avoir regardé juste après Les Ignorants.
Pourquoi j'ai aimé ce film?
D'abord parce que c'est un très beau film, visuellement parlant.
Ensuite, parce que la biodynamie y est expliquée de façon relativement simple. On apprend ce qu'est la bouse de cornes (oui, oui, vous avez bien lu), pourquoi on l'utilise, quelles sont les propriétés des tisanes, etc. On est loin des clichés réducteurs qui la présentent souvent comme un truc pour les illuminés. D'ailleurs ce film rappelle très justement que le vignoble de la Romanée Conti en Bourgogne est conduit en biodynamie. Or Aubert de Villaine n'a, à mes yeux, rien d'un illuminé.
Enfin, si je l'ai aimé, c'est surtout parce que c'est un film qui place l'humain au coeur du message. Pas question de sectarisme dans ce film. Tous les protagonistes ou presque vous disent que le choix de la biodynamie est un choix personnel, une philosophie de vie. Ce qui les anime c'est avant tout l'amour qu'ils portent à leur terroir, à leurs vignes, à leurs raisins ; la volonté qu'ils ont d'accompagner ces derniers, comme on accompagne un enfant tout au long de sa vie. Et cet amour se ressent presque à chaque instant dans ce film. Dans la façon dont les frères Bret touchent leurs vignes, dans la façon dont Thibault Liger Belair prend les raisins à pleines mains dans sa cuve en parlant de "ses bébés", dans la façon dont Richard Leroy écoute ses barriques en se réjouissant de la reprise de la fermentation après le froid de l'hiver...
Après ceci, je ne vais pas vous mentir, je ne me suis pas pour autant transformée en farouche partisane de la biodynamie.
Pourquoi? Tout simplement parce que pour moi, ce qui importe avant tout c'est que le vin soit bon et qu'on prenne du plaisir à le boire. Or la pratique de la biodynamie, aussi louable soit-elle, ne garantit pas à mes yeux que le vin soit bon. Et mes dégustations jusqu'à présent m'ont par ailleurs déjà prouvé que les vignerons pratiquant la biodynamie n'étaient pas les seuls à pouvoir faire du bon vin.
En revanche, ce que j'aime dans la biodynamie telle qu'elle est présentée dans le film de Guillaume Bodin c'est le rapport de ces vignerons à leur terre et cette idée de traiter la vigne et le sol comme des êtres vivants, de les protéger, de les soigner...pour en tirer le meilleur, la quintessence.
Cette première plongée virtuelle dans cet univers de la biodynamie m'a d'ailleurs donné envie d'aller à la rencontre de vignerons ayant fait ce choix pour mieux comprendre leur démarche personnelle et goûter le résultat. Car comme le dit très bien Guillaume Bodin, "le vin c'est une histoire mise en bouteille".
Je vous parlerai bientôt de ces rencontres sur Very Wine Trip.
En attendant, je vous conseille vivement de regarder La Clef des Terroirs pour vous faire votre propre avis.
Et pour conclure, je reprendrais 2 phrases du film qui me semblent pertinentes pour résumer la biodynamie :
"Ce n'est pas la biodynamie qui fait la qualité d'un vin mais la biodynamie aide le vigneron à se remettre en question et à avoir une meilleure compréhension de la nature et de la terre" - Thierry Germain
"Si les vignerons regardaient avec un regard amoureux leurs vignes, on aurait fait un grand pas dans l'agriculture en terme de respect des terroirs" - Jean-Philippe Bret
La Clef des Terroirs - Un film de Guillaume Bodin
Production Universditvin - Éditions Montparnasse
Pour en savoir plus sur ce film, n'hésitez pas à aller sur le site www.laclefdesterroirs.com
VDV #53 : Quand Orange Mécanique vous emmène sur une île...
Aujourd'hui c'est ma toute première "Vendredis Du Vin" party!
Les Vendredis du Vin ou "VDV", pour ceux qui ne connaissent pas, c'est le dernier vendredi de chaque mois et c'est l'occasion pour les blogueurs et les amateurs de vin de partager leurs dégustations sur un thème choisi par le blogueur-président du mois. Ce que j'aime dans Les Vendredis du Vin, c'est cette idée que plusieurs personnes d'horizons variés se mettent à parler du vin sur un même thème. Le résultat : toujours de beaux billets et surtout de belles bouteilles à découvrir ou redécouvrir. Jusqu'à présent je me contentais de lire les billets des autres, mais je me suis dit que cette fois-ci j'allais prendre mon courage à deux mains et me lancer pour faire honneur à la présidente.
Car cette fois-ci, c'est Sand, notre Belge préférée, dont j'adore le blog La PinardotheK, qui est présidente et ça n'a pas manqué, le thème qu'elle a choisi est presque aussi barré qu'elle : Orange MécaniK! Sa demande pour les VDV #53 : "Parlez-moi de vins orange".
Autant vous dire que face à ce thème, ma première réaction a été "euh, finalement je vais peut-être passer mon tour et essayer de me lancer la prochaine fois".
Parce que bon, du vin orange, ça ne me parle pas trop vu que je n'en ai jamais bu. Le "vin d'orange" à la rigueur car ma grand-mère nous en proposait parfois à l'apéritif. Mais du vin "orange", c'est une autre histoire!
Bien sûr, il y avait toujours la possibilité de jouer le côté orange différemment en partant sur un vin avec une étiquette orange. Faisable, mais un peu trop facile, me suis-je dit. Un vin produit par la Principauté d'Orange? Possible aussi, mais moi j'avais plutôt envie de parler d'une de mes régions de prédilection. La Corse par exemple.
La Corse...Oui, c'était décidé, j'avais envie de parler d'un vin corse !
Mon premier coup de cœur pour un vin corse ayant été pour un Clos Canarelli blanc, je commence par me dire que je vais d'abord regarder du côté d'Yves Canarelli pour voir si par le plus grand des hasards il n'aurait pas un vin orange dans sa collection. Tiens, il existe une Cuvée Amphora vinifiée en partie en amphore mais ça ne convient pas car c'est une cuvée de rouge, donc elle ne sera pas orange. Je cherche encore parmi les noms que je connais mais sans succès, et je finis par me dire que je peux oublier l'idée "corse".
Dépitée, je m'en vais voir mon caviste habituel et lui expose ma problématique "orange". Manque de bol, il n'a pas de vin de cette couleur. Cherchant une alternative, il me reparle des vins de la Principauté d'Orange, mais rien n'y fait, ces derniers ne m'inspirent pas pour écrire. Je rentre donc chez moi convaincue que cette première participation sera finalement avortée, faute d'avoir trouvé la bouteille qui me fasse vibrer "façon Orange Mécanique".
C'était sans compter mon cher et tendre, complètement étranger à mes problèmes de couleurs, qui quand j'arrive à la maison me dit qu'il faut absolument que je goûte le vin qu'il avait ramené de Corse après les fêtes, mais avait "oublié" dans la cave à vins et venait de retrouver. Pas forcément fan des vins sucrés, je rechigne un peu mais accepte finalement le verre qu'il vient de placer fièrement devant moi.
Et là, illumination, le vin sur lequel je pose mes yeux est orange. Ok, pas orange pétard. Plutôt un joli ambré. Mais pour moi l'ambre c'est orange donc ça compte !
J'y plonge le nez et d'un coup un sourire illumine mon visage. Mon dieu que ça sent bon! Abricot, miel, fruits secs...Une véritable invitation à la découverte! Je le porte délicatement à la bouche et il se révèle d'une incroyable gourmandise. C'est un vin doux, donc sucré, mais contrairement à ce à quoi on pourrait s'attendre, il n'est absolument pas écœurant. Au contraire, en bouche, sa complexité s'affirme et il fait preuve d'une belle longueur qui enveloppe vos papilles d'un voile de douceur et vous donne furieusement envie d'y revenir.
Ce vin le voici : il s'agit du Muscatellu di Mursiglia du Domaine de Pietri, millésime 1999. "Muscat de Morsiglia" si on veut le dire en français et non en corse, mais moi je maintiens qu'à l'oreille c'est beaucoup plus joli en corse (bon, d'accord, mon compagnon est Corse, donc je ne suis peut-être pas tout à fait objective, je vous l'accorde).
Morsiglia, c'est un charmant village du Cap Corse dominant le port de pêche de Centuri dont vous trouverez quelques photos à la fin de ce billet.
Le Domaine de Pietri y fut créé en 1768 et se transmet depuis de génération en génération. Il est aujourd'hui exploité par les filles d'Eugène Paoli qui contribuent à perpétuer les traditions en maintenant une méthode de vinification à l'ancienne pour ce muscatellu. Ce dernier est élaboré à partir de muscat petit grain (duquel il tient son nom car "ellu" est le diminutif utilisé en corse pour dire petit) et de malvoisie. Les raisins sont récoltés le plus tardivement possible et passerillés (c'est-à-dire laissés à sécher) sur des "teghje" ou terrasses de lauzes*, ce qui permet d'obtenir des raisins concentrés en sucre naturel et en arômes et de réaliser une vinification sans mutage à l'alcool.
Un domaine que je ne connaissais pas jusqu'à ce fameux verre mais que je vais m'empresser d'aller visiter lors de mon prochain séjour dans la Cap Corse car j'ai vraiment été séduite par ce vin et je serais très curieuse de goûter aussi leur Impassitu et leur Rappu.
Et voilà, nous arrivons à la fin de mon premier billet pour les Vendredis du Vin. J'espère qu'en le lisant vous avez pris autant de plaisir que moi en l'écrivant, et surtout j'espère vous avoir donner envie d'aller à la découverte de ce domaine et de ces vins.
Allez, je vous laisse, il y a un verre de Muscatellu qui me fait de l'œil !
N'hésitez pas à aller sur le site ou la page facebook des Vendredis du Vin pour découvrir les billets des autres participants.
* la lauze étant une pierre plate et résistante, plus épaisse que l'ardoise, utilisée notamment pour les toitures des maisons