Rencontre avec les vignerons de Terres de Gaillac au restaurant La Pente Douce
Lundi 14 avril, en fin de journée, j'étais de sortie pour enfin découvrir La Pente Douce, un restaurant toulousain déjà prisé de mes contacts gourmands et gourmets, mais surtout pour déguster des vins (oui, encore !). Les organisateurs de cette dégustation n'étaient autres que les membres de l'association Terres de Gaillac. Je connaissais déjà quelques uns des vignerons de ce collectif, mais cette dégustation était une excellente occasion de les avoir tous (ou presque) au même endroit.
Terres de Gaillac, késako ?
Terres de Gaillac, c'est une association regroupant plusieurs vignerons du gaillacois, 11 vignerons et 1 distillateur (qui produit également des vins depuis quelques années) pour être exacte.
L'association Terres de Gaillac est née le 1er juillet 2005 de la volonté d'un petit groupe de vignerons se reconnaissant dans la notion d'AOC telle que définit au début du XXème siècle par Joseph Capus, autour des principes suivants :
- l’originalité gustative du vin
- l’histoire et les acquis collectifs, qualifiés d’usages locaux, loyaux et constants
- le “ génie ” du lieu, accepté jusque dans son défaut. Source : Site internet de Terres de Gaillac
La plupart des membres de l'association sont en conversion ou déjà certifiés en agriculture biologique.
12 vignerons donc, rassemblés par des valeurs communes, mais dont les vins reflètent autant d'expressions de ce sol gaillacois "qui parle vin depuis 2000 ans" comme ils le précisaient sur l'affiche de leur dégustation.
Ce lundi-là, ils étaient presque au grand complet puisqu'il ne manquait que Michel Issaly, vigneron au Domaine de la Ramaye (et président des vignerons indépendants).
Si vous voulez en savoir plus sur Terres de Gaillac, je vous invite à vous rendre sur leur site internet www.terresdegaillac.fr.
Vous pouvez également suivre leurs actualités sur leur page Facebook et leur compte Twitter.
Une dégustation #HappyGaillac haute en couleurs
J'étais ravie de retrouver Virginie Maignien (Causse Marines), Florent Plageoles (Domaine Plageoles) et Nicolas Lebrun (L'Enclos des Braves), auxquels j'avais rendu visite il y a quelques mois. Comme j'ai déjà évoqué leurs vins sur ce blog, je vais plutôt me concentrer sur les domaines que j'ai découverts.
Je ne connaissais pas du tout les vins d'Aurélie Balaran (qui est la fille de Jean-Marc Balaran du Domaine d'Escausses). J'ai notamment apprécié sa Méthode Ancestrale - Brut (la photo sur mon téléphone étant floue, j'ai récupéré la photo de la bouteille sur internet)
Après en avoir beaucoup entendu parler, j'avais eu l'occasion de goûter la cuvée Anthocyanes de Damien Bonnet qui m'avait bien plu. La dégustation organisée par Terres de Gaillac m'a permis d'enfin rencontrer Damien, mais aussi de déguster d'autres vins de sa gamme. J'ai aimé quasiment tout ce que j'ai goûté en rouge : Anthocyanes encore, mais aussi Vendemia et Brin de Temps. Quant à son Brin de Folie, son rosé moelleux à base de cabernet sauvignon, c'est un peu atypique mais moi j'ai trouvé ça très sympa et très gourmand (sûrement délicieux avec des desserts).
Laurent étant en déplacement, j'ai eu le plaisir de faire la connaissance de la pétillante Marina Cazottes. Côté dégustation, je reste une fervente admiratrice de leurs eaux-de-vie artisanales (dont j'avais un peu parlé ici). En revanche, je suis moins convaincue pour l'instant par les vins.
Je crois que la cuvée emblématique du domaine est la cuvée Renaissance, mais j'ai pour ma part préféré L'Ame ainsi que la toute nouvelle cuvée sans soufre baptisée Esquisse. Francis Marre a fini de me convaincre avec le vin de liqueur rouge du Domaine Rotier, Noces de Feu, pour lequel j'ai eu un gros coup de coeur.
C'est Julie de la cave Au Bec Fin qui m'a vivement encouragée à aller goûter les vins de Jérôme Galaup et je n'ai pas été déçue. Non seulement j'ai beaucoup aimé son Lou Gabel et son Lou Grésignol, mais j'ai en plus beaucoup accroché avec le personnage, à la fois simple et chaleureux.
J'avais déjà eu l'occasion de goûter à la méthode ancestrale lors d'un salon à Toulouse. Ce coup-ci, Nicolas Hirissou m'a étonnée en me faisant goûter une cuvée à base de tannat et de braucol nommée Le Faucon. Une cuvée étonnante puisque le tannat y est majoritaire, alors que ce cépage est généralement plutôt associé à l'appellation Madiran. J'étais un peu dubitative sur l'utilisation de ce cépage à Gaillac, mais je dois avouer qu'au final le résultat n'est vraiment pas mal, donc c'est une cuvée que je regoûterai avec plaisir.
Concernant ce domaine, je suis désolée, mais je ne vais pas pouvoir vous en dire grand chose car quand j'ai goûté les vins d'Eric Lépine, je papotais en même temps avec Julie dont je vous parlais plus haut, et du coup je n'ai pas suffisamment fait attention à ce que je buvais. De mémoire, la bulle m'a plutôt plu, mais il faudrait vraiment que je regoûte ces vins pour me faire un avis.
Je connaissais vaguement le domaine de nom mais je n'avais encore jamais rien goûté venant du Domaine de Labarthe. Globalement, parmi les vins que m'a fait goûter Thibault Albert, j'ai trouvé l'ensemble plutôt bien, mais j'ai eu une nette préférence pour les blancs, et surtout pour les blancs moelleux.
En résumé, une dégustation très sympa (qui portait bien son nom #HappyGaillac), qui m'a permis de rencontrer d'autres vignerons gaillacois. Des vignerons auxquels j'irai sûrement rendre visite un de ces jours pour découvrir leurs domaines in situ.
Un seul regret, ou plus deux : que les vignerons de Terres de Gaillac n'organisent pas plus souvent ce type de dégustations, et que ces dégustations soient uniquement ouvertes aux professionnels, car je suis sûre qu'ils gagneraient à se faire davantage connaître du grand public.
P.S : si j'ai beaucoup aimé le lieu, je ne peux pas trop vous parler de la cuisine de La Pente Douce car étant un peu pressée ce jour-là, je me suis concentrée sur les vins et je n'ai finalement pas mangé beaucoup (les boulettes que j'ai goûtées au début, qui ressemblaient à des keftas, étaient délicieuses, donc je ne doute pas que le reste était du même acabit).
Chroniques au cœur du vignoble de Gaillac #4 : Domaine Plageoles
Plageoles. Un nom qu'on ne peut ignorer à Gaillac quand on est amateur de vin tant cette famille a marqué de son empreinte l'histoire du vignoble gaillacois au cours des dernières décennies, notamment par le travail de Robert Plageoles et de son fils Bernard sur les cépages historiques "oubliés".
Pas étonnant que ce nom fut le premier sur ma liste de visites à programmer quand je me suis mis en tête de mieux connaître les vignerons de Gaillac!
Après plusieurs occasions manquées, rendez-vous pris un dimanche matin au Domaine des Tres Cantous, à Cahuzac-sur-Vère, pour une rencontre avec Bernard Plageoles.
Exploité depuis 1805, le domaine Plageoles a vu 6 générations de vignerons se succéder à sa tête. Jules, François, Emile, Marcel, Robert et aujourd'hui Bernard, qui a pris les rênes du domaine avec sa femme Myriam. Sans compter la 7ème génération qui se prépare puisque Florent, le fils aîné de Bernard, a lui aussi rejoint l'exploitation familiale.
Si Robert Plageoles a officiellement pris sa retraite en tant que vigneron, il continue de cultiver sa passion pour l'ampélographie (l'étude des cépages), d'écrire des livres* et d'animer des conférences. J'ai d'ailleurs eu le plaisir de voir à l'œuvre cet orateur passionné lors du colloque sur le vin auquel j'ai assisté à Albi courant avril.
Comme je n'ai pas encore eu la chance d'échanger plus longuement avec lui, je vous invite à lire ce billet de Vincent Pousson qui connaît bien le personnage et en a dressé un joli portrait sur son blog http://ideesliquidesetsolides.blogspot.fr/2012/08/le-vigneron-dont-je-bois-les-paroles.html.
Un journaliste de La Dépêche décrivait quant à lui Robert Plageoles ainsi :
"Ce vigneron est un passionné, un amoureux de son terroir et de tout ce qui touche de près ou de loin aux agapes et à une certaine façon de vivre : c'est un épicurien. Il a le goût du terroir, le verbe haut, l'amitié sincère, la sensibilité à fleur de peau comme les cépages qu'il protège."
Eh bien, je trouve qu'on retrouve pas mal de ces caractéristiques chez son fils Bernard.
Lors de ma visite à Cahuzac-sur-Vère, si j'ai aimé les vins dégustés, j'ai aussi été séduite par la personnalité de Bernard Plageoles, son franc-parler mais aussi son amour du terroir, de la vigne et du vin qui transparaît dans chacune de ses paroles.
Un homme chez qui on décèle tout de suite une grande générosité et une réelle envie de partager sa passion. Non seulement j'ai passé un excellent moment et pris beaucoup de plaisir à échanger avec Bernard Plageoles sur ses vins et les vins du Sud-Ouest en général, mais j'ai aussi appris énormément de choses lors de cette visite car c'est un bon pédagogue.
Le portrait du vigneron dressé, revenons-en au domaine.
Petit tour dans les vignes
Le domaine des Tres Cantous, la propriété familiale, n'est qu'une des 2 exploitations qui constituent le domaine Plageoles. La seconde, le domaine Roucou-Cantemerle, se trouve sur la commune de Castelnau de Montmiral.
Au total ce sont 23 ha de vignes qui sont cultivés par les Plageoles, composés de sols argilo-calcaires. Respectueux de leur terroir, ils travaillent leurs vignes en culture biologique et pratiquent une méthode naturelle, la méthode "Cousinié", qui, par l'apport d'oligoéléments, tend à rééquilibrer les sols et à muscler les défenses immunitaires de la vigne. La taille en gobelet est également pratiquée car elle est, selon Bernard Plageoles, particulièrement adaptée aux conditions climatiques, même si plus contraignante.
Et comme vous pouvez le voir sur mes photos, les vignes ont l'air d'apprécier...
Cette visite dans les vignes a aussi été l'occasion pour Bernard Plageoles de m'expliquer en quoi consistait le marcottage, ou provignage. N'étant pas aussi bonne pédagogue que lui, je me contenterai de vous renvoyer aux explications données ICI et de l'illustrer par quelques photos.
Cépages oubliés et vins de cépage
Les 23 ha de vignes se répartissent en 16 ha de cépages blancs et 7 ha de cépages rouges.
Comme je le disais en introduction de ce billet ainsi que dans mon précédent billet pour les Vendredis du Vin**, les Plageoles sont d'ardents défenseurs des cépages historiques de Gaillac.
C'est à la fin des années 70 que Robert Plageoles a commencé à replanter des cépages autochtones, d'abord le Duras, un cépage rouge, puis l'Ondenc, un cépage blanc...Aujourd'hui le domaine peut s'enorgueillir de posséder 14 cépages historiques de Gaillac : 7 variétés de Mauzac, mais aussi du Loin de l'Oeil, de l'Ondenc, du Verdanel, du Duras, du Braucol et du Prunelart (oui, ça fait 13 mais j'ai oublié quel était le 14e!).
http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=uH_mD4yi_FA
Afin de valoriser au mieux ces cépages, les cuvées portent presque toutes le nom du cépage dont elles sont issues.
Partisans de vins naturels, représentatifs de leur cépage et de leur terroir, les Plageoles considèrent que le travail doit se faire avant tout à la vigne pour obtenir un raisin de bonne qualité. Une fois dans le chai, ils prônent un minimum d'interventions et surtout l'usage de levures indigènes uniquement, qui sont, selon Bernard Plageoles, la "mémoire du terroir". Pour en savoir plus sur leur philosophie, je vous invite à visionner les vidéos disponibles sur leur site internet, notamment celle-ci : http://www.vins-plageoles.com/notre_travail.php.
Vin de Voile et Mauzac Nature
Parmi les vins élaborés par les Plageoles, on trouve 2 vins qui font, comme les cépages, partis de la tradition gaillacoise.
Le Mauzac Nature d'abord, un vin pétillant naturel vinifié selon la "méthode gaillacoise". Késako? Tout commence par une vendange manuelle des vignes de Mauzac rose. Puis les raisins sont pressés et le jus mis en cuve. La fermentation commence par l'action des levures indigènes, puis, quand il ne reste plus que 30g de sucres résiduels, le vin est pompé et filtré 2 fois, par gravité, à l'aide de filtres à manche afin d'appauvrir le milieu en levures. Il est ensuite remis dans des cuves en ciment, et l'action du froid endort les levures pendant l'hiver. En janvier/février, le vin est mis en bouteille et les bouteilles sont bouchées et muselées. Avec le printemps, la fermentation reprend alors, mais cette fois-ci en bouteille. Les levures consomment le sucre et dégagent le fameux gaz carbonique qui va rendre le vin pétillant. Les bouteilles sont mises en vente environ 6 mois après la mise en bouteille.
Autre vin emblématique : le Vin de Voile.
Ce vin, élaboré à partir de Mauzac roux, est élevé pendant 7 ans dans de vieux demi-muits, sans ouillage (action de compléter le vin évaporé dans un fût par du vin de même origine). Au contact de l'air, les levures forment un voile à la surface du vin. Ce vin oxydatif s'apparente donc au Vin Jaune du Jura ou encore au Xérès en Espagne.
Le Vin d’Autan
Ce liquoreux est élaboré avec de l'Ondenc.
Comme Bernard Plageoles l'explique à la fin de la vidéo ci-dessus (l'interview pour Via Michelin), quand le raisin est bien mûr, le pédoncule est écrasé avec une pince pour que la sève cesse de circuler. Les raisins se dessèchent alors sous l’influence du vent d’Autan. Puis ils sont ramassés et passerillés avant d'être pressés. Une fois la fermentation terminée, le vin est élevé pendant 12 mois en cuve. Le résultat est une petite merveille!
Voilà, j'en ai fini pour le compte-rendu de ma visite chez les Plageoles.
Si vous hésitez encore à aller faire un tour à Gaillac, je laisse Florent Plageoles finir de vous convaincre en évoquant sa "petite Toscane"...
http://www.youtube.com/watch?v=oh7GYobQXTM&feature=player_detailpage
Domaine Plageoles
Route des Tres Cantous
81140 Cahuzac-sur-Vère
Tel : +33 (0)5.63.33.90.40
Email : vinsplageoles@orange.fr
Site internet : www.vins-plageoles.com
Page Facebook : https://www.facebook.com/pages/Les-vins-du-Domaine-Plageoles/97687039987
*Les ouvrages de Robert Plageoles : Le Vin de Gaillac, 2000 ans d'histoire (co-auteur : Fernand Cousteaux, éditions Privat) et La Saga des cépages gaillacois et tarnais en 2000 ans d'histoire (éditeur : Jean-Paul Rocher).
** Vous pouvez retrouver le résumé des Vendredis du Vin #56 dédiés aux cépages oubliés à l'adresse suivante : http://magnumbalthazar.blogspot.fr/2013/06/vdv-56-larche-de-noe-des-cepages.html