[Portrait de Thomas Santamaria, à gauche sur la photo ci-dessus, réalisé par Rodolpe Pelosse]
Me voici de retour pour vous relater ma visite chez un autre vigneron de la jeune génération, dont le domaine familial est situé en Haute-Corse. Direction Patrimonio, ou plus précisément Oletta. Nous prenons la route du lac de Padula, qui se trouve au sud du Golfe de Saint-Florent. Après quelques kilomètres, nous voici arrivés chez Thomas Santamaria.
Pour tout vous dire, je ne connaissais pas du tout le domaine Santamaria avant de venir habiter en Corse. Et ce n’est même pas en Corse que j’ai goûté pour la première fois l’un des vins de Thomas ! Non, c’était à Angers en février dernier, lors d’un apéro organisé en fin de journée sur le salon La levée de la Loire. Et pour cette 1ère fois c’était son Patrimonio blanc 2016 que j’avais eu entre les mains. Vraiment pas mal, mais le vin n’était malheureusement pas suffisamment frais. La faute à un passage sûrement trop prolongé sur la table où trônaient plein de bouteilles d’autres producteurs.
Il aura fallu attendre quelques mois de plus pour que je trouve le temps d’aller lui rendre une petite visite afin d’en savoir plus sur les vins et le domaine. Et grand bien m’en a pris car les vins du domaine Santamaria figurent clairement parmi mes plus chouettes découvertes de l’année. Quant à la rencontre avec Thomas Santamaria, elle s’est tout simplement révélée passionnante.
Thomas Santamaria, un retour aux sources
C’est par une balade dans les vignes qu’on démarre la visite du domaine. L’occasion pour Thomas Santamaria de nous en dire plus sur son parcours.
S’il a toujours baigné dans le vin et grandi sur le domaine familial, comme d’autres, il a eu besoin d’aller voir ce qui faisait ailleurs avant de revenir. Il effectue ainsi son BTS Viticulture-Œnologie au Château La Tour Blanche dans le Sauternais. Loin de sa terre natale, sa soif de découverte le pousse à goûter un maximum de vins différents. Le meilleur moyen selon lui d’ « apprendre » à boire du vin !
De retour en Corse et après un rapide passage sur le domaine familial (un « premier essai manqué »), il s’oriente finalement vers un secteur très différent du vin et y travaille un peu plus d’un an.
C’est en avril 2016 qu’il décide finalement de retenter l’aventure viticole aux côtés de son père Jean-Louis. 2 ans plus tard il est toujours là et ne semble pas prêt de repartir, comme quoi la vie est souvent une histoire de bon timing.
Actuellement en cours d’installation en tant que jeune vigneron, Thomas Santamaria représente la 6ème génération à la tête du domaine familial.
S’il fourmille de projets pour l’avenir, il n’oublie pas pour autant de rendre hommage au travail effectué par ceux qui l’ont précédé. Son père en particulier dont il parle avec beaucoup de respect. A ses yeux, il est celui qui a tout fait sur le domaine.
Il a vu un avenir là où d’autres ne voyaient que la terre
C’est d’ailleurs à ses côtés qu’il continue d’apprendre et de se former, notamment à la vigne, le terrain de prédilection de Jean-Louis Santamaria.
La philosophie dans les vignes
Le vignoble du domaine Santamaria compte 17 ha (dont seulement 13.5 sont en production à ce jour). La plupart des vignes actuelles ont été plantées entre 1990 et 1993.
Du côté des cépages, en dehors des incontournables Niellucciu et Vermentinu, on trouve aussi sur 2.5 ha un peu de Grenache (le fameux « Elegante » cher à Lina Venturi-Pieretti). Sans oublier une petite parcelle de Cinsault qui a été plantée il y a 60 ans par le grand-père de Thomas et a donné naissance à la cuvée « Montre tes yeux ».
Jean-Louis Santamaria avait entamé sa conversion officielle en agriculture biologique en 2011. Le domaine Santamaria est donc certifié depuis 2014.
Thomas quant à lui s’intéresse aux principes de la biodynamie et a commencé à mettre en place certaines choses dans les vignes allant dans le sens de cette philosophie.
Côté terroir, les vignes évoluent pour certaines sur des sols d’éboulis calcaires et pour d’autres sur des coteaux de schistes. La parcelle de Grenache est quant à elle sur un mélange d’argile et de schiste.
La proximité du lac de Padula permet aux vignes de bénéficier d’un micro-climat. C’est particulièrement vrai pour la parcelle de Niellucciu qui longe le lac et profite de sa fraîcheur.
S’il s’est jusqu’à présent plutôt concentré sur les vins et leur distribution, la restructuration du domaine fait partie des prochains chantiers de Thomas Santamaria. Il aimerait en profiter pour replanter du Cinsault mais aussi peut-être quelques nouveaux cépages pour faire des assemblages. Au maximum de son potentiel la propriété pourrait atteindre 30 ha de vignes, mais Thomas vise plutôt une vingtaine d’hectares en production au terme de son installation.
La philosophie à la cave
Retour à la cave pour évoquer le travail de vinification et d’élevage.
Pour Thomas, l’objectif est clair : laisser parler le terroir.
Les vinifications se font donc dans un esprit vin naturel en travaillant à partir des levures indigènes présentes sur la peau des raisins et en jouant sur les macérations et les températures. Les vins ne sont pas filtrés, et l’usage du soufre est limité.
A date les élevages se font principalement en cuves inox, mais Thomas aimerait aussi faire des essais avec des foudres et peut-être des amphores.
Mais tout ça attendra que son installation soit terminée et qu’il ait pu faire de la place et réaménager sa cave qui a grand besoin d’être agrandie… et climatisée !
Il a pour projet de reconstruire un bâtiment sur plusieurs étages qui puisse à la fois servir pour le stockage, la vinification mais aussi pour l’accueil du public et la dégustation avec un espace dédié.
Et la dégustation dans tout ça ?
Pour la dégustation, nous quittons la cave pour nous diriger vers l’autre bâtiment, qui accueille les bureaux et la salle de dégustation pour les visiteurs.
Quand Thomas est arrivé sur le domaine, ce dernier ne produisait qu’environ 15 000 bouteilles à l’année et la gamme ne contenait que 4 vins : un blanc, un rosé et un rouge en appellation Patrimonio, ainsi qu’un muscat du Cap Corse. Il a souhaité élargir la gamme et proposer aussi des vins un peu moins chers et donc plus accessibles. C’est comme cela qu’est née la gamme Tranoï (qui signifie « entre nous » en Corse), qui propose un vin rouge et un vin blanc, tous deux en Vin de France.
Après cette petite explication, passage aux travaux pratiques.
Et là, au premier verre, la magie a opéré et le temps s’est comme arrêté au fur et à mesure que les bouteilles défilaient…
« C’est bon ça… oh la la, ça c’est délicieux aussi… bon ok, celui-là est carrément sublime ! »… Il faut dire que Thomas a sorti l’artillerie lourde sur la fin, mais reprenons les choses dans l’ordre.
Les blancs
C’est donc avec le Patrimonio blanc 2016 que nous avons démarré la dégustation. Celui-là même que j’avais goûté à Angers, mais cette fois-ci à bonne température. 100% Vermentinu, issu d’une parcelle calcaire, macération pelliculaire, élevage 8 à 9 mois en cuve inox avec un batonnage à mi-élevage. Définitivement une belle découverte, avec de l’élégance, de la complexité et un équilibre qui laisse présager un bon potentiel de vieillissement.
On enchaîne avec le Tranoï blanc 2015. Un 100% Vermentinu également, mais cette fois-ci né sur des coteaux de schistes. Un vin plus en tension, avec une belle richesse aromatique, mais un peu moins de complexité que le Patrimonio. Très sympa aussi.
Ce n’est pas faute de le répéter, vous savez qu’en général ce sont les blancs qui me séduisent, en particulier à Patrimonio. Eh bien, chez Thomas Santamaria, les rouges aussi m’ont emballée !
Les rouges
A commencer par la cuvée « Montre tes yeux ». Ce 100% Cinsault issu des vieilles vignes plantées par le grand-père de Thomas, est une vraie bombe ! C’est un vin facile, très frais, croquant et gourmand, qui glisse tout seul. Clairement une bouteille à partager entre amis (mais attention, vous risquez d’en ouvrir une autre sans même vous en rendre compte tellement c’est bon) ! Et puis de toute façon, rien que pour l’étiquette de dingue signée Scott Pennor’s (qui évoque les geais qui ont planté 6 amandiers sur la parcelle de Cinsault), vous ne pouvez pas passer à côté de cette bouteille. Bon, en revanche, petite production dit rupture de stocks rapide. Donc il vous faudra peut-être attendre l’année prochaine avant de vous procurer ce précieux nectar (dit celle qui est repartie avec une caisse entière…).
Après le Cinsault, on passe au Grenache avec la cuvée Tranoï rouge 2016. Un quasi 100% Grenache, avec une pointe de Niellucciu ajoutée en cuve. Un vin là aussi frais, croquant, juteux, très charmeur et tout en élégance, même s’il reste assez simple.
Voici venu le moment d’attaquer celui qui a fait la renommée du domaine, la « tête de gondole » comme le dit Thomas en rigolant : le Patrimonio rouge, issu des fameuses vignes de Niellucciu qui longent le lac de Padula.
On commence avec le millésime 2014. Au nez comme en bouche, on retrouve la puissance et les arômes typiques du Niellucciu, mais déjà un petit quelque chose de différent de ce à quoi je suis habituée avec les rouges de Patrimonio.
Une impression qui se confirme quand Thomas ouvre une seconde bouteille, un millésime 2011. L’évolution est top, avec toujours ces arômes de fruits bien mûrs mais aussi de la complexité et surtout une fraîcheur et une finesse assez incroyables. On est loin de l’image de « vin parfois un peu dur et rustique ». Sans compter qu’on sent que ce vin en a encore sous la pédale.
Et là, comme je le disais plus haut, Thomas nous sort l’artillerie lourde. Un millésime 2006. Autant vous dire que celui-là on l’a plus que savouré. Une pure merveille ! On n’a qu’une envie, aller se mettre à table pour finir la bouteille autour d’un bon repas.
Thomas nous explique alors que la clé c’est de récolter un Niellucciu à parfaite maturité (quand la peau est bleutée et que les raisins tombent presque tout seuls), puis de procéder à une extraction longue. Quant à l’élevage, 3 ans minimum. A date, les vins sont élevés en cuve inox pendant ces 36 mois.
La conclusion…
En dehors de ces superbes rouges, Thomas nous a aussi fait goûter au cours de la dégustation un autre vin assez incroyable : un « Montre tes yeux » version blanc, vendu en exclusivité par son importatrice suédoise. Un 100% Vermentinu mais travaillé un peu comme un vin orange. Un essai né d’une petite erreur l’année dernière (débourbage un peu trop tôt du vermentinu et du coup trop de jus sur les bras) et de l’idée de Thomas de mettre le surplus à part et de le laisser fermenter, sans filtrer, avec la partie basse de la cuve laissée en contact le jus, et sans soufrer. Plutôt très sympa aussi pour un premier essai.
Le garçon a beau rester humble, très ouvert et à l’écoute des critiques, il a définitivement du potentiel ! Et quand on sait qu’il a pas mal d’autres idées qui semblent tout aussi prometteuses, ça ne m’étonnerait pas qu’on en entende encore parler longtemps des vins de Thomas Santamaria.
D’ailleurs, quand on voit le niveau des vins rouges du papa, je crois qu’une seule conclusion s’impose : les Santamaria père et fils ont du talent !
Si vous aimez les vins sucrés, il paraît que leur muscat du Cap Corse est top aussi. Mais pour le coup, je ne l’ai pas encore goûté, donc je vous confirmerai ça à l’occasion.
Où goûter les vins du Domaine Santamaria ?
Maintenant que je vous ai fait saliver, j’imagine que vous n’avez qu’une question sur les lèvres : où se procure-t-on les vins du domaine Santamaria ?
Je commence par une mauvaise nouvelle : le domaine ne produit à date qu’environ 50 000 bouteilles par an. Et en 2017, la Corse représentait environ 60-70% du CA.
Venir en Corse et déguster les vins au domaine, au restaurant ou chez l’un(e) des supers cavistes de l’île est donc la première réponse à votre question.
La bonne nouvelle c’est que l’un des premiers chantiers de Thomas Santamaria à son retour sur l’exploitation a été d’améliorer la distribution de ses vins, notamment en se déplaçant sur certains salons sur le continent.
Résultat : vous pouvez désormais trouver plus facilement une partie de ses vins sur le continent, notamment à Paris (par exemple chez Paco à la Cave d’Ivry) ou encore à Lyon (chez Muraato notamment). Du côté de l’export, le domaine Santamaria s’exporte un peu au Canada mais aussi depuis peu aux Etats-Unis (via Selection Massale, le même importateur que Mathieu Marfisi) et en Suède.
Nous en tout cas, on ressort de cette visite vraiment conquis, autant par les vins que par le vigneron. En plus d’être doué, Thomas Santamaria est aussi très pédagogue et a vraiment le sens du partage. Donc on ne peut que vous conseiller d’aller lui rendre visite si vous en avez l’occasion.
A prestu
Domaine Santamaria
Route du lac de Padula
202232 Oletta
Tel: +33 (0)4 95 39 03 51
Email : domaine.santamaria@orange.fr
Page Facebook : https://www.facebook.com/Domaine.santamaria
Compte Instagram : @domaine.santamaria